Peut-on parler de musique au sujet des chants d'oiseaux ? C'est une question à la fois scientifique et philosophique qu'il n'est pas question de trancher ici. Voici simplement quelques éléments de réflexion.

Mais qu'est-ce que la musique ? 

La musique est l'art d'organiser, de combiner des sons en suivant des règles variables selon les lieux ou les époques. Elle est culturelle. Elle ne dit rien, cependant c'est un moyen puissant et universel d'exprimer des émotions.

Essayons de voir qu'elles sont les choses communes à la musique et aux chants des oiseaux.

Le timbre, de la note "pure" au bruit

Naturellement une note pure n'existe pas, elle serait composée d'une seule fréquence et donc tracerait une ligne horizontale unique sur son sonagramme. Entre cette note théorique et un bruit, qui dessine une verticale sur son sonagramme, les possibilités sont infiniment variées, et constituent l'essence même du son. Toute cette palette est utilisée en musique, de la note la plus "flûtée" aux percussions, mais aussi par les oiseaux depuis les belles notes graves du rossignol philomèle , ses notes percussives puissantes, jusqu'aux percussions du pic épeiche par exemple.

Le timbre de chaque voix nous permet de reconnaitre instantanément plusieurs dizaines de personnes, même si elles prononcent le même mot. Le timbre propre à chaque espèce permet de  différencier  les oiseaux, par exemple les fauvettes à tête noire et des jardins aux chants très proches.

Les notes

Les sons de la musique, les notes, sont organisés. Cette organisation est la conséquence des lois de la physique des sons (voir "les sons et l'oreille").Chez les oiseaux, soumis aux mêmes lois physiques, on va retrouver les mêmes harmoniques, les mêmes intervalles, octave (mésange charbonnière), quinte, etc. Des compositeurs ont écrit certains chants avec nos notes, j'ai donné ici l'exemple d'Olivier Messiaen et de l'alouette lulu, il y en a bien d'autres.

La mesure et le tempo

Les sons sont fugitifs, leur organisation dans le temps est le fondement de la musique. La mesure la divise en intervalles réguliers, comprenant un certain nombre de "temps". La valse par exemple, est construite avec une mesure à trois temps, un premier temps fort et deux faibles. Le tempo est la vitesse d'exécution, c'est à dire le nombre de temps par minute (la valse musette a un tempo plus rapide que la valse classique).

Les chants d'oiseaux sont le plus souvent composés de phrases ou motifs assez courts, répétés a intervalles plus ou moins réguliers. Il est possible de découper certains chants en mesures. C'est assez facile pour le chant très rythmique et sur une seule note du pigeon ramier par exemple.

Au sein d'une même espèce, les vitesses d'exécutions sont très constantes et caractéristiques de cette espèce. Le troglodyte mignon chante avec un tempo très rapide, la fauvette à tête noire a un rythme plus lent, le merle noir encore plus, ce qui donne a son chant un caractère paisible.

Il existe cependant des variations de tempo pour une même espèce, les deux pinsons des arbres enregistrés dans deux région différentes, chantent à peu de chose près  la même phrase, mais les vitesse d'exécutions sont très différentes.

Les nuances

Les nuances (forte, piano, etc.) forment une partie de l'interprétation de la musique, elles en donnent l'intensité. Le rossignol philomèle avec une alternance de notes douces et d'autres puissantes en est le maitre ! Il y en a d'autres exemples : la grive musicienne , la fauvette à tête noire.

Le mode, majeur mineur

Pour simplifier, le mode majeur correspond à des sonorités joyeuses, lumineuses, le mode mineur apporte de la mélancolie. Voici un exemple avec une comptine bien connue tout d'abord en mode majeur :

Et maintenant la même comptine en mode mineur, thème que Gustave Mahler a utilisé dans sa première symphonie :

Le chant gai du merle noir peut être associé au mode majeur, la grive draine, espèce proche ( famille des turdidés), au timbre très semblable, chante elle en mode mineur. C'est "le merle triste".

Les refrains et les couplets

Le chant du rougequeue à front blanc a cette structure classique pour une chanson, plus étonnante pour un chant d'oiseau. Chaque phrase est composée d'un motif fixe, le refrain et d'une suite variable, le couplet.

L'improvisation

L'improvisation est une création spontanée, dans l'instant. En musique, l'improvisation suit des règles : la tonalité, le rythme, etc.

Si les chants d'un grand nombre d'espèces d'oiseaux sont des phrases ou des sons répétés à l'infini, stéréotypés (pinson des arbres, etc.), d'autres espèces varient leurs vocalises. Elles sont constituées d'un ensemble plus ou moins riche de motifs qui sont combinés en séquences de façon spontanée. Les phrases ainsi composées se succèdent avec des variations qui paraissent infinies. L'alouette des champs est un bon exemple, mais on peut citer aussi le rougegorge familier, le rossignol philomèle, le merle noir entre autres. Il semble en fait qu'une phrase donnée revient au bout d'un certain nombre de variations (quelques dizaines).

L'expression des émotions

La musique en est un moyen spécifiquement humain ?

Mais pourquoi les oiseaux chantent-ils en chorus matinal au retour de la lumière ? Ou après la pluie ? Et que penser de cette grive musicienne qui donne dans son petit concert du soir, un chant moins sonore mais plus varié que son chant territorial classique ?

La culture

La musique est culturelle, elle varie en fonction des lieux et des époques et elle est le fruit d'un apprentissage.

Chez les oiseaux chanteurs, les ocines, le chant est aussi le résultat d'un apprentissage. Bien que cette pratique soit très ancienne, c'est au 18ème siècle que l'élevage d'oiseaux de compagnie pour leur chant, atteint un important développement. Il fallait retirer les oisillons à leurs parents avant qu'ils n'apprennent leurs vocalises spécifiques, puis leur enseigner des mélodies à l'aide d'instruments mécaniques, les serinettes (je suppose qu'il fallait leur "seriner" longuement ces mélodies!). Cela concernait  les serins, merles, bouvreuils et autres. Les oiseaux ainsi éduqués valaient très cher.

Des recherches récentes  ont montré, à l'aide des sonagrammes, que des groupes de troglodytes mignons voisins ont des chants légèrement différents. Ils constituent des communautés avec un dialecte, c'est le terme employé par les spécialistes.